Alain Olive : "Marine Le Pen prône la liberté syndicale totale pour abattre le système de représentativité"

Qu’elle soit française ou européenne, l’extrême droite met de plus en plus en avant son volet social afin de séduire les classes populaires. Pourtant, les différents partis nationalistes demeurent arc-boutés sur leurs fondamentaux antisyndicaux comme le montre l’enquête L’extrême droite européenne contre les travailleurs publiée en mars 2022 par l’Observatoire du dialogue social de la Fondation Jean-Jaurès. Entretien avec l’un de ses auteurs, Alain Olive, ancien secrétaire général de l’Unsa.

 

Pourquoi avoir réalisé cette enquête ?

Alain Olive : Pour deux raisons. La première, c’est qu’à la Fondation Jean Jaurès, nous prenons très au sérieux la montée de Marine Le Pen et du Rassemblement national qui furent déjà au second tour de la présidentielle de 2017. Or, si les positions politiques de ce parti sur l’immigration sont abondamment étudiées et font l’objet de nombreux rapports et articles, sa vision de la démocratie sociale demeurait un véritable angle mort. C’est afin d’en savoir plus sur ce sujet que nous avons engagé cette enquête. Une fois cette idée lancée, nous nous sommes rendu compte qu’il serait pertinent d’étendre cette étude à plusieurs pays européens. Nous avons donc étudié la situation allemande en collaboration avec la Fondation Friedrich Ebert, proche du SPD (parti social-démocrate allemand) et du DGB (confédération allemande des syndicats à laquelle adhère notamment IG Metall), afin d’étudier les relations entre les syndicats et l’AFD et avons procédé au même exercice avec des partenaires européens en Suède avec LO (Landsorganisationen i Sverige), la grande confédération des syndicats suédois vis-à-vis des Démocrates suédois, le principal parti nationaliste du pays, ainsi qu’en Italie sur les relations qu’entretiennent les syndicats transalpins avec les deux formations d’extrême droite, La Lega et Fratelli d’Italia.

La seconde raison, ce fut la présence de plusieurs figures syndicales (dirigeants d’unions territoriales ou de fédérations professionnelles) issues de l’Unsa, de la CFTC ou de la CFE-CGC comme têtes de listes du RN aux dernières élections régionales et départementales. Le phénomène n’a pas été massif mais il dit quelque chose sur l’efficacité de la stratégie de dédiabolisation engagée par Marine Le Pen. Quelle vision sociale son parti porte-t-il au point d’attirer à lui des personnalités venues des hautes sphères du monde syndical ? C’est ce que nous voulions savoir.

Et votre conclusion ?

A. O. : Il existe indéniablement un changement ton au RN sur le social. Marine Le Pen a su revêtir de nouveaux habits idéologiques, mais le vieux fond d’extrême droite du parti est en réalité toujours bien présent dans ses fondamentaux. Le maintien du concept de “priorité nationale” (anciennement “préférence nationale”) dans son programme et le fait qu’elle souhaite l’intégrer dans le bloc de constitutionnalité français s’inscrit en porte-à-faux total avec la tradition syndicale attachée à la défense de tous les travailleurs, qu’ils soient nationaux ou étranger. De plus, lorsque l’on regarde la littérature du RN (et avant, celle du FN), on s’aperçoit que, dans la philosophie du parti, les syndicats restent perçus comme des perturbateurs de l’ordre social et jamais comme des facteurs de progrès. En dépit de son nouveau discours, le RN reste un parti attaché à l’idée d’une société ordonnée où le conflit et le compromis ne sont pas acceptés. C’est une vision sociale qui repose largement sur des fantasmes mais qui reste persistante au sein du RN. Les syndicats très marqués à gauche comme la CGT sont évidemment toujours vus avec hostilité, mais les réformistes ne sont pas considérés sous un meilleur jour. Il faut se rappeler que Marine Le Pen a qualifié la CFDT d’”idiote utile du macronisme”. .

Pourtant, le FN et le RN ont déjà tenté de s’implanter dans le monde syndical…


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