Laissez nous faire notre métier

Lettre ouverte au nouveau ministre de l’éducation nationale

Monsieur le ministre

En cette rentrée, pour l’UNSA Éducation, les priorités sont d’agir pour l’attractivité de tous les métiers et donc pour la revalorisation et l’amélioration de la qualité de vie au travail. De s’engager pour la mixité sociale et scolaire sur tout le territoire, et de lutter contre la ségrégation scolaire. De valoriser l’École publique et de se donner les moyens de la réussite de l’inclusion scolaire.

Nous voulons aussi vous transmettre un message important : laissez-nous faire notre métier, comme personnel du service public d’éducation, dans la diversité des métiers qui concourent à la réussite de chaque élève.

En janvier 2022, un mouvement social au sein de notre ministère, parmi les plus suivis dans l’histoire sociale, s’était opposé à la gestion hasardeuse de la crise sanitaire, quand les personnels apprenaient dans un journal hebdomadaire les modalités du nouveau protocole sanitaire. Ne reproduisez pas les erreurs de vos prédécesseurs. Toutes les études ont démontré que les politiques éducatives sont efficaces uniquement quand elles sont appropriées par les principaux acteurs du système éducatif. Ce n’est plus le cas aujourd’hui quand 91% des personnels ne sont pas d’accord avec les choix politiques de leur ministère, dans le dernier baromètre des métiers de l’UNSA Éducation (à retrouver ici). Alors impliquez-nous, faites confiance au dialogue social, mobilisez les différentes instances nationales et locales où tous les partenaires et les acteurs de l’Éducation débattent ensemble du pilotage de notre système éducatif !

Laissez-nous faire notre métier. C’est aussi faire confiance au terrain, reconnaître l’expertise des professionnels, cesser les injonctions, et les annonces sans lendemain qui désespèrent les élèves, les parents et les citoyennes et citoyens qui attendent tant du service public. Quand une mesure est annoncée, on ne peut demander aux corps d’encadrement de la mettre en œuvre alors qu’aucun texte réglementaire n’a été publié. Quand une mesure est annoncée, on ne peut mettre au boisseau la précédente mesure sur le même sujet qui n’a même pas eu le temps d’être appliquée.

Laissez-nous faire notre métier. C’est donner du temps au temps pour construire des politiques éducatives de long terme. Expérimenter un dispositif localement, et le généraliser sans l’avoir évalué, c’est ubuesque, et pourtant c’est devenu la norme au sein de notre ministère.  Donner du temps au temps, c’est aussi accepter de donner des impulsions, d’accompagner les personnels pour les mettre en œuvre, et faire accepter par l’opinion publique qu’elles ne porteront pas leurs fruits immédiatement.

Laissez-nous faire notre métier. C’est nous donner des outils pour cela, des outils efficaces, pas comme ces applications numériques sans lien entre elles, souvent défaillantes (lire notre article à ce sujet), qui font perdre tant de temps à tous les personnels, quel que soit leur métier, administratifs, enseignante et enseignant, psychologues, personnels d’encadrement, d’inspection, d’éducation, d’accompagnement, de santé, de service social, technique. C’est dégager des moyens massifs pour assurer de bonnes conditions de travail tant aux personnels qu’aux jeunes qu’ils accompagnent au quotidien, alors que notre bâti scolaire, passoire thermique, énergétique et sonore, devient un des problèmes majeurs de notre système éducatif à l’heure de l’urgence climatique.

Voila notre message pour cette rentrée 2023, monsieur le ministre. De la part d’une fédération qui rassemble dans 23 syndicats, des adhérentes et adhérents passionnés par leur métier, au service de la nation et de sa jeunesse. Nous voulons relever les défis de l’attractivité des métiers de l’éducation, d’une inclusion réussie et d’une mixité sociale et scolaire qui redonne un peu de cohésion à notre société. Mais vous nous trouverez aussi sur votre chemin si les annonces éducatives prennent la forme d’éléments de langage qui mettent en porte à faux l’opinion publique avec les éducatrices et les éducateurs, et si les éléments de langage ministériels devaient se résumer à des triangulations politiques rebondissant sur l’actualité au mépris de la continuité des politiques éducatives.

Nous entendons et apprécions votre volonté affirmée d’un dialogue social de qualité. Il sera indispensable pour répondre aux nombreuses attentes des personnels que nous représentons, de la nécessaire revalorisation de tous nos métiers, que nous suivrons avec attention, aux nombreux défis sociaux et éducatifs que notre pays et que le service public devra relever. Car s’il faut tout un village pour élever un enfant, les personnels éducatifs ont aussi besoin, aujourd’hui, du soutien de la nation pour assurer leur mission.

Nous vous souhaitons, monsieur le ministre, une bonne rentrée scolaire.